Comme tous les demi-elfes, Enliana adore voyager, faire de nouvelles rencontres, découvrir de nouveaux endroits. Elle parcourait de grandes distances à travers les terres de Laethion ; tout comme aujourd'hui. La demi-elfe s'aventurait dans une autre forêt inconnue. Parfois lumineuse, parfois ténébreuse, elle était un vrai parcours d'obstacle. Enliana n'avait jamais vu une forêt aussi dense, les arbres étaient entremêlés, comme si l'un voulait prendre la place de l'autre. En plus il n'y avait pas vraiment de chemins pour la traverser. Et pour ne pas arranger les choses, plus elle progressait et plus l'atmosphère lui semblait étrange. Le chant des oiseaux ayant disparu, c'est le silence qui imposait sa loi. L'ombre était plus présente et froide. Finalement Enliana n'avait plus qu'une envie, c'était de rebrousser chemin.
Pourtant un détail du paysage attira son attention. Une petite maison en bois dans une petite clairière. Mais qui pouvait bien vivre dans un endroit aussi isolé ? La demi-elfe s'approcha prudemment. Est-ce la maison d'un chasseur ? Ou le repaire de quelques brigands ? Aucune de ces propositions ne lui convenait. Toutefois ce qui l'inquiétait surtout, c'était cette atmosphère inhospitalière. « Il y a quelqu'un ? » demanda-t-elle pour briser ce silence de mort. Seulement elle n'eut aucune réponse. Elle frappa à la porte et attendit quelques secondes, cependant aucune réponse. Les volets étaient ouverts alors elle jeta un bref coup d'œil. On ne sait jamais, le propriétaire avait peut-être fait un malaise. Toutefois la maison était bel et bien déserte. La demi-elfe se contenta de faire un haussement d'épaule sans plus d'affirmation. Elle se retourna puis vit une femme plutôt âgée avec des branches sous le bras. Celle-ci n'avait pas l'air contente du tout de sa présence.
« Tu as osé venir sur mes terres ! s'énerva-t-elle. Personne ne peut venir ici sans mon autorisation ! Et en plus tu oses violer mon intimité ! Tu ne veux pas entrer tant que tu y es !
— Calmez-vous madame. J'ai signalé ma présence mais personne ne m'a répondu. Et si vous aviez fait un malaise ? C'est pour ça que j'ai regardé par la fenêtre.
— Foutaises ! Tu es comme les autres que j'ai envoyés dans d'autres mondes, une vraie menteuse !
Enliana fut outrée. Quel culot !
— Vous doutez de mon honnêteté !
— Oui ! Beaucoup m'ont sorti cette excuse pour ensuite piller ma maison ! cria la vieille dame en jetant le bois par terre. Personne ne peut venir ici ! Personne ! »
Sans plus attendre la vieille femme tendit son bras et une lumière blanche en jaillit. Elle entoura Enliana et l'empêcha de bouger. La demi-elfe se demanda ce qui lui arrivait. Son corps devint de plus en plus transparent, sa voix s'amenuisa puis elle disparut. « Et voilà, fit la vieille dame, il n'y a que comme ça que j'aurais la paix. » Puis elle reprit ses bouts de bois et rentra dans sa petite maison. Pendant ce temps, Enliana voguait dans l'espace tel un esprit errant. Aucune idée de l'endroit où elle était. Elle voyait seulement des étoiles autour d'elle dont certaines au loin étaient entourées d'un brouillard coloré. C'était à la fois beau et terrifiant. Au bout de quelques instants son corps fut projeté. Du fait de la pression exercée la demi-elfe finit par s'évanouir.
Enliana réapparut sur des marches blanches, toujours inconsciente et à nouveau entourée d'un silence troublant. Elle s'éveilla au bout de quelques instants et se redressa lentement. Ce petit voyage lui avait provoqué des vertiges. En attendant de s'en remettre, elle regarda les environs. Elle était devant un grand bâtiment d'un blanc pur, avec des colonnades placées devant et le longeant à intervalle régulier. Elle se retourna doucement et vit une rivière assez sombre. Elle préféra ne pas s'en approcher. De toute façon, que ferait-elle près de celle-ci ? Autour, il n'y avait rien, pas de maison ni de végétation. Le ciel était obscur et parsemé d'étoiles et de nébuleuses. Où était-elle donc ? C'était quoi ce lieu étrange ? Le paysage semblait inquiétant plutôt qu'autre chose. Maudite vieille femme ! Était-elle obligée de l'envoyer si loin vers l'inconnu ? Enliana aimait voyager maiselle préférait lorsque la destination était désirée.
Il y avait une inscription au dessus de la porte voutée seulement c'était écrit dans une langue qu'elle ne connaissait pas. Cela n'était pas pour l'arranger. Cette bâtisse ressemblait à un palais alors la demi-elfe préféra ne pas y pénétrer, surtout sans autorisation. Et aussi parce qu'elle se méfiait de cet endroit. Elle contourna le bâtiment et s'enfonça dans ce nouveau décor en espérant trouver quelqu'un pour la guider. Par contre il n'était pas question de crier pour signaler sa présence, une fois mais pas deux ! Elle se trouva face à un pont rocailleux et de l'autre côté il y avait un temple semblable à celui d'Abou-Simbel. Elle n'avait pas vraiment l'intention d'y entrer. En revanche, rester là n'était pas non plus une solution. Mais alors qu'elle s'apprêtait à partir, quelqu'un venant de l'arrière l'interpela d'une voix faible.
« Hey toi, où comptes-tu aller ?
La demi-elfe se retourna et vit un petit homme chauve portant une armure et une faux. C'était Markino, un des gardes de ce lieu. À première vue, il ne semblait pas hostile. Par chance, il parlait le langage commun tout comme elle. Il pourra sûrement l'informer sur cet endroit lugubre alors Enliana se dirigea vers lui.
— C'est un endroit privé ? questionna-t-elle.
— Chut ! Ne parle pas si fort, répondit-il en toute hâte.
— Pourquoi ? demanda-t-elle en murmurant.
— Le seigneur Rune n'aime pas le bruit. Suis-moi, je vais te mener à lui.
La demi-elfe ne savait pas trop pourquoi elle devait voir ce fameux « Rune », enfin, soit.
— Le seigneur Rune ? C'est joli comme nom, commenta-t-elle. Mais c'est pas bon pour la voix de chuchoter.
— Pourtant il vaut mieux chuchoter dans ce tribunal si tu tiens à ta vie, ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte principale.
— Oh alors c'est un tribunal, fit-elle en le suivant. Il ouvrit la porte voutée tandis qu'elle repensait au message gravé sur le fronton. Dites-moi, qu'est-ce qui est écrit là-haut ?
— Parle moins fort je te dis, chuchota-t-il agacé.
— Pardon, murmura-t-elle.
— Qui est responsable de ce vacarme ? s'énerva le Procureur.
— Ce n'est pas moi, s'affola Markino. Je vous amène une nouvelle âme. Elle allait se faufiler plus loin dans le royaume.
— Tiens donc, pourrais-je savoir où tu comptais te rendre sans mon autorisation ? Les nouvelles âmes doivent impérativement venir me voir. Tu es dans la demeure du jugement, c'est moi qui te dirai où tu dois te rendre.
— D'accord. Dans ce cas, où dois-je aller ?
— Dis-moi ton nom et selon tes pêchés je te le dirai.
La demi-elfe n'avait pas saisi ce qu'il venait de dire. C'est quoi cette maison de fous ? Ses pêchés ? Quels pêchés ?
— Quel est ton nom ? insista Rune. Tu m'as déjà incommodé tout à l'heure alors n'aggrave pas ton cas.
— Quoi ?! Mais comment ça ? Que vous ai-je fait ?
— Un vacarme dont je me passerais bien.
— Je t'avais bien dit de ne pas parler trop fort, souligna Markino.
— Oh mais, vous avez l'ouïe fine, s'étonna la demi-elfe. Mon nom est Enliana Delven.
Le procureur ouvrit son grand registre et chercha son nom.
— Vous pensez vraiment trouver mon nom dans votre livre ?
— Silence insolente ! fit Markino.
— Markino. J'aimerais que tu te taises aussi, ordonna le procureur en continuant sa recherche.
— Bien Seigneur Rune.
— Répète-moi ton nom.
— Enliana Delven. Mais vous ne me trouverez pas, je ne suis pas d'ici.
— C'est normal, aucune âme ne vient d'ici. Elles viennent du monde des vivants.
— « Du monde des vivants » ? Comment ça « du monde des vivants » ? On est où ici ?
— Tu es dans le royaume d'Hadès, Seigneur des morts, aux Enfers.
La demi-elfe resta figée pendant un certain temps. La crainte commença à l'envahir.
— Je suis morte ?! finit-elle par crier. (Elle palpa son propre corps afin de se persuader du contraire.) Mais pourtant je me sens bien vivante. Qu'est-ce qu'elle m'a fait cette sorcière ?! »
Le procureur frappa de son marteau, ce qui fit sursauter la jeune femme. À ce moment-là, un autre homme entra dans la pièce. Il portait une armure et son casque ne laissait voir que ses lèvres et son nez et il avait les cheveux gris. Le juge était arrivé et ce qu'il venait d'entendre l'avait intrigué. C'est quoi cette histoire de sorcière ? Le procureur lui lança un regard afin de voir s'il pouvait continuer le procès et s'il devait plutôt l'interrompre.