Enliana se rapprocha de Giudecca et se faufila derrière une colonnade. Elle tenta d'entrer mais les spectres n'étaient pas d'humeur galante. Ils marchaient militairement sans se soucier d’elle ; enfin presque. Au loin elle aperçut Phlegyas qui, lui, avait l'air ravi de la voir. Bonheur non partagé. Il fallait absolument qu'elle rentre avant qu'il arrive à son niveau. Elle n'avait envie d'un nouveau "câlin". Elle essaya à plusieurs reprises d'entrer mais les bougres ne lui laissaient aucune ouverture. Phlegyas se rapprocha avec un sourire aux lèvres. "Oh non, je ne veux pas qu'il me remette la main là où je pense" se dit-elle. Mais à un moment, un spectre s'arrêta devant elle. Enliana reconnu facilement cette tête aux cheveux ébènes et aux yeux dorés.
« Entre donc mademoiselle.
— Oh ? Merci Pharaon, lui répondit-elle en détournant le regard.
Elle se faufila immédiatement ce qui irrita un peu Phlegyas. Il y avait un monde fou. Eaque, Minos et Rhadamanthe étaient déjà là alors elle se fit très discrète. D'abord pour ne pas que les juges la remarque mais également afin de ne pas être ennuyée par certaines personnes. Au vu de la foule, Queen ne la voyait pas. Lorsque tout le monde fut arrivé, Pandore apparut enfin en haut des escaliers et réclama le silence. On pouvait distinguer derrière le rideau une silhouette assise sur un trône.
— Je vous ai tous convoqué ici car nous sommes à la veille de la guerre contre Athéna. (Enliana vit très bien où se trouvait l'Alraune ; elle n’avait qu’une envie, le rejoindre.) Hadès a ressuscité d'anciens chevaliers d’Athéna. Leur mission sera de nous amener sa tête.
— On aurait pu le faire nous-mêmes, s’indigna Cube du Dullahan. Pourquoi ressusciter ceux-là ?
La demi-elfe se faufila parmi les spectres en direction de l’Alraune. Cela n’avait pas échappé au Lycaon qui chercha à la rejoindre discrètement.
— Ils connaissent le sanctuaire comme personne. Et ils sont déjà sur place. Ce sera un jeu d’enfants pour eux de s’introduire jusqu’à son autel. Hadès leur a accordé douze heures pour y arriver.
Se frayer un chemin entre les colosses ne fut pas aisé. Certains n’étaient pas décidés à se bouger.
— Et qu’est-ce qu’on fait pendant ce temps-là ? questionna Gordon du Minotaure.
Il était proche mais il y avait encore une barrière humaine qui les séparait. Lui resta concentré sur le discours de leur supérieure.
— Nous resterons au château Heinstein. C’est là que les chevaliers amèneront le corps de notre ennemie. Ensuite, nous ferons selon les ordres d’Hadès.
La demi-elfe pivota pour trouver un autre passage mais une main saisit la sienne. Elle se retourna et vit le visage de Phlegyas. Elle se dégagea et chercha à fuir.
— Viens par-là, Joli p’tit cul !
Surpris, les spectres se tournèrent vers eux. Enliana se débattait. Elle qui ne voulait pas se faire remarquer, c’était raté. Elle finit par tomber à terre tant elle gesticulait pour s’enlever de l’étreinte de Phlegyas. Minos était furieux de la voir ici.
— Qu’est-ce que ça signifie ?!
— La petite demi-elfe est venue pour qu’on s’amuse un peu, répondit le Lycaon. Reviens me faire un p’tit câlin, ça me manque !
La demi-elfe recula. L’absence de réaction de Pandore encouragea le spectre à poursuivre dans ses obscénités. Mais Enliana ne se laissait pas faire.
— Le marché ne tient plus depuis longtemps Phlegyas et tu le sais très bien !
— On peut le renouveler, fit-il en la ramassant.
Toutefois elle se débattait sans relâche. Elle se retrouva à nouveau à terre. La demi-elfe fit apparaître une feuille brune pour ralentir la course de Phlegyas mais il l’arracha avec une telle facilité qu’Enliana en fut surprise. La racine ne tenait plus, comme si elle se préparait à sa chute. Prise de panique, elle lui lança un amas de petites feuilles coupantes. Mais les blessures du spectre ne furent que superficielles. Même son attaque s'affaiblissait. Le cœur de la jeune femme entra en tachycardie. Agacé par un tel comportement, l’Alraune se précipita vers le Lycaon et lui mit une droite. Ce geste intrigua Minos.
— De quoi te mêles-tu, Queen ?!
— Qu’est-ce qui te prends de te conduire de cette façon ?! T’as les hormones qui s’excitent ?!
— Ne me dis pas qu’elle te plaît, se moqua le Lycaon. Sincèrement c’est le cas ?
— Nous sommes les spectres d’Hadès ! Tâchons de nous en montrer digne !
— En effet, reprit Minos en élevant la voix. Vous êtes les spectres d’Hadès. Un tel comportement venant d’eux serait le déshonorer. Que ce soit par n’importe lequel d’entre vous ! (La demi-elfe n’osait plus bouger et fixait Queen car honnêtement elle n’avait pas le courage de regarder ailleurs. Elle préférait contempler le visage de celui qu’elle aimait.) Enliana ! (La demi-elfe regarda vivement le juge.) Je t’avais dit de m’attendre à Tolomea ! Retournes-y et en vitesse ! Et j’interdis quiconque de la toucher ! »
La jeune femme fut décontenancée par sa colère. Sans doute avait-elle été trop loin en s’immisçant dans une réunion à laquelle elle n’était pas invitée. Les spectres s’écartèrent lorsqu’elle se dirigea enfin vers la porte. La demi-elfe repartit rejoindre Tolomea tandis que Pandore ordonnait à Rhadamanthe de déployer ses troupes vers le château. À la résidence du Griffon, Enliana enfila la nuisette et s’assit sur le lit, dos à la porte. Il n’était pas question qu’elle le fasse devant le juge. D’ailleurs ce dernier arriva assez vite. La jeune femme n’osait croiser son regard qu’elle supposait irascible. Il enleva son surplis sans la moindre parole, ce qui provoqua une ambiance assez tendue. Déshabillé, il monta sur le lit et murmura à l’oreille d’Enliana.
« Faut-il que je te corrige pour m’avoir désobéi ? (Aucun son ne sortit de sa bouche.) Dis-moi, dois-je le faire ?
— Je suppose que je n’aie pas le choix de toute façon, se contenta-t-elle de répondre la gorge serrée.
— Je n’ai pas envie de démarrer notre relation comme ça. Je sais que tu voulais voir Queen. Mais tu ne le verras plus pour l’instant. (Il lui embrassa le cou tout en lui caressant les hanches puis le ventre.) Il est parti au château Heinstein. Cela me laisse le temps de te procurer bien du plaisir, pour te le faire oublier. C’est moi que tu désireras après cette nuit.
— Non ! lui fit-elle en s’enleva de ses bras.
En se tournant, elle vit qu’il était totalement dénudé. Son regard fuyant l’amusa.
— Allons, installe-toi dans le lit et laisse-toi faire. »
Elle hésita un peu mais elle dut obéir à son ordre. Elle n’avait pas envie de se prendre un coup en plein visage en lui faisant perdre patience. Elle se glissa sous les draps, il s’approcha d’elle et l’embrassa langoureusement. Son cœur battait la chamade ; fallait reconnaître qu’il le faisait plutôt bien. Elle l’embrassa en retour et son corps s’échauffa. Du moins, c’était ce qu’elle voulait faire croire. Il fallait qu’il pense qu’elle se laissait séduire. Et lorsqu’il commença à mettre ses mains au niveau des cuisses, elle lui demanda de stopper tout de suite.
« Quoi ? Mais pourquoi ?! On n’arrête pas un moment pareil ! Ça avait pourtant l’air de te plaire, lui dit-il d’un air sceptique. C’est pas le cas ?!
— Si, c’est assez enivrant Seigneur Minos mais… Mon cœur s’est trop vite emballé. Je n’ai pas l’habitude. Je viens tout juste d’être servante et je me retrouve déjà dans votre lit. Je n’ai pas eu le temps de me faire à cette nouvelle condition.
Le Griffon afficha un air méfiant. Était-elle en train de se foutre de lui ?
— Est-ce qu’il te plaît mon corps ?
— Il… il est bien plus jeune et bien plus beau que je l’aurais cru, répondit-elle en rougissant.
— Plus que celui de Queen ?
Enliana fut surprise par cette question.
— Je n’ai jamais vu le sien, je ne peux pas comparer.
L’Alraune n’en aurait donc pas profité dans le labyrinthe ? Alors que Phlegyas n’avait pas hésité à poser les mains sur elle. Et Pharaon se vantait de l’avoir embrassé au point de lui faire perdre la notion du temps. Minos pensait qu’il y avait eu quelque chose entre ces deux-là vu la manière dont elle l’avait embrassé en sortant du labyrinthe.
— Tu n’as rien eu avec lui ?
— Non.
— Vous n'avez pas couché ensemble ? Sûr ?
— Oh mais non enfin ! lui répondit-elle outrée. À quel moment j’aurais pu ?
— Dans le labyrinthe justement.
— Non, nous n’avons rien fait.
— Alors pourquoi l’as-tu embrassé en sortant ?
— Parce qu’il m’a aidé sans vraiment me faire obstacle. Je m’attendais à pire lorsque je l’ai vu. Il a une carrure assez impressionnante avec son armure. Et j’ignorais qu’Hadès avait interdit aux spectres de lever la main sur moi.
— Tu ne vas pas aller le rejoindre alors ?
Elle toisa le juge puis le regarda à nouveau.
— Non, plus maintenant que je vous ai vu ainsi.
— Ton corps me désire ? lui fit-il avec un regard enjôleur.
— Oui mais je voudrais attendre un peu avant de faire la chose avec vous. Laissez-moi au moins jusqu’au lendemain.
— Pourquoi attendre si ton corps désire le mien ?
— J’ai peur qu’on aille beaucoup trop vite. Je suis vierge et je n’ai pas envie de regretter cet instant. Je voudrais vraiment qu’il soit beau et voulu plutôt que de le subir. Et puis, je me questionnais, seriez-vous capable de résister jusqu’à demain. Moi je suis sûre que non, vous m'avez l'air d'être un chaud-lapin.
— Tu veux faire monter la pression avant de conclure en fait ? lui dit-il avec un sourire coquin. Je ne suis pas sûr de pouvoir y arriver en effet.
— C'est ce que je craignais. S’il vous plaît, je veux bien rester auprès de vous et accepter ma nouvelle condition mais je vous en prie laissez-moi juste un peu de temps. C’est la seule chose que je vous demande. »
Il la fixait, ne sachant pas trop quoi penser de tout cela. Mais il valait mieux qu'elle savoure ce moment intime autant que lui. Leur relation n'en serait que plus bénéfique. Et si cela pouvait l’aider à oublier Queen alors pourquoi pas ? Aussi il prouve qu’il n’est pas le monstre qu’elle croit. Il s’allongea près d’elle. « D’accord, je te laisse un peu de temps. Mais dors au moins dans mes bras. » Elle acquiesça furtivement et se blottit contre lui. Elle avait réussi à esquiver un instant torride. Mais il fallait qu’elle trouve un moyen de partir d’ici rejoindre sa mère car le lendemain c’était certain qu’ils allaient faire la chose et elle ne pourra plus s’y opposer. En attendant, une nuit de repos apportera beaucoup de bien.