Le lendemain, Desideria partit faire quelques courses au marché de Rodorio. C’était un joli village avec des maisons à colombages et des rues assez larges. Changer de décor lui remonta le moral. Toutefois pendant qu’elle faisait son marché, Desideria avait toujours cet homme en tête. Elle se souvenait de son regard froid et intense, effrayant et hypnotisant. À son retour elle rangea ses affaires et un peu plus tard quelqu’un frappa à sa porte. Elle ouvrit et vit Astérion, elle le fit entrer.
« Vous avez de la chance, je viens tout juste de rentrer du marché.
— Je voulais t’annoncer que tu as un poste à la bibliothèque du sanctuaire. Il faut que tu t’y rendes dès que possible. Elle est juste à côté du conservatoire, avant d’arriver à l’infirmerie.
— Oui, j’entendais de la musique depuis ma chambre.
— Tu as encore ta jupe et ton haut. Le Grand Pope t’a offert des robes. Je pense que ça lui ferait plaisir que tu en porte une.
— Oh ? Bon je vais me changer alors. (La jeune femme se dirigea vers la chambre et ferma la porte. Elle fouilla dans l’armoire et prit une robe cintrée verte avec des ornements argentés au niveau des épaules et de la taille. Elle l’enfila et ressortit de la chambre.) Ça va comme ça ?
— Il fait une chaleur dehors, tu devrais t’attacher les cheveux pour ne pas avoir trop chaud. (La demoiselle soupira avant de se diriger vers la salle de bain. Elle en profita pour se rafraîchir un peu puis elle fit un chignon relâché. Elle rejoignit Astérion, prête à partir.) Eh bah voilà. Comme ça si tu croises Camus il te repérera tout de suite. »
Desideria le fusilla du regard provoquant en lui une certaine hilarité. Elle referma la maison puis ils s’avancèrent vers le sanctuaire. La jeune femme aurait voulu revoir le bel homme, seulement elle n’avait pas vu Camus en arrivant devant la bibliothèque. Par conséquent elle fut un peu déçue avant d’entrer dans le bâtiment. Astérion repartit à l’entraînement. Le gérant accueillit la nouvelle employée et pendant la visite des lieux il lui annonça les tâches qui lui seraient attribuées. La bibliothèque était assez grande et les étagères remplies d’ouvrages divers. Il s'agissait d'un demi-poste et elle ne travaillerait que du matin avec un emploi du temps à respecter. Desideria avait donc l’après-midi pour faire ce qu’elle voulait. Le bâtiment était divisé en plusieurs secteurs et elle devait en nettoyer un par demi-journée. Aussi de temps à autre elle aura des livres à remettre dans les étagères.
La jeune femme voulait se mettre au travail mais le responsable lui demanda de plutôt venir le lendemain. Il était presque onze heures, trop tard pour débuter un gros ouvrage. Après l’avoir remercié, elle sortit du bâtiment. Le ciel était encore bien bleu, sans nuage. Desideria regarda autour d’elle, à la recherche du fameux bel homme mais il n’était pas là. S’intéressait-il à la musique ? Une inscription au conservatoire pourrait augmenter ses chances de le voir. Alors elle entra dedans néanmoins elle en ressortit aussitôt. S’inscrire à cet endroit, c’était comme si elle acceptait son sort. Non, elle partira un jour. Peut-être pas dans l’immédiat car elle se doutait que le Grand Pope la faisait surveiller. Pourquoi Astérion viendrait-il constamment sinon ? Il a certainement autre chose à faire que de discuter avec elle.
« Bonjour Desideria.
Celle-ci sortit brusquement de ses pensées mais ne fut pas ravie de voir cet homme devant elle.
— Bonjour Misty.
— Tu veux assister aux entraînements ?
— Non merci, je vais plutôt rentrer chez moi.
— Tu es sortie bien vite du conservatoire. Tu ne vas pas t’inscrire ?
— Je ne sais pas encore.
— Pourquoi doutes-tu ? Tu étais dans un conservatoire avant ?
— Dans une école de chant en fait. Le conservatoire me paraît si grand par rapport à elle.
— Cela t’impressionne. Je comprends mieux. Quelle voix es-tu ?
— Alto.
— C’est plutôt grave. Je t’aurais plus imaginé dans les soprani.
— Eh bien, j’ai une tendance mezzo. Avec mon prof de chant je développais ma tessiture.
— Tu peux continuer à la travailler au conservatoire. Tu as déjà eu quelques cours, tu ne démarres pas de zéro. Tu chantes en solo ?
— Non non, fit-elle en hochant la tête. J’étais dans les chœurs.
— Quoi qu’il en soit, je serais ravi de te voir chanter, même si c’est dans les chœurs. (Desideria ne répondit pas, elle n’avait pas envie de s’inscrire aujourd’hui.) Tu me parais tendue. Tu veux que je te masse les épaules ?
— Non merci, fit-elle avec un sourire jaune.
Puis elle finit par faire plus attention à son entourage. Elle vit un homme aux cheveux longs et bleus, portant une armure d’or. C’était Milo et il était seul. Mince alors, elle ne le verrait vraiment pas aujourd’hui ? Le chevalier du Scorpion l’avait vu et lui lança un petit sourire qui voulait tout dire. Elle fut profondément gênée et détourna le regard. « Elle est timide la p’tite » se dit-il en s’approchant.
— Tu es sûre que tu ne veux pas que je te masse ? Cela te ferait un bien fou.
— Misty, laisse la demoiselle tranquille. Retourne à l’entraînement, ordonna Milo.
Le jeune blond était loin d’être ravi mais il ne releva pas la parole. Il s’éloigna pour le plus grand soulagement de la jeune femme. Desideria le remercia pour son intervention.
— Je ne savais pas comment m’en défaire. Il n’est pas méchant, loin de là mais c’est un vrai pot de colle. Dès qu’il me voit, je l’ai dans les pattes pendant un certain temps.
— Je n’en doute pas. Il faut savoir être ferme avec lui sinon tu ne peux plus t’en dépêtrer. D’après ce qu’on dit tu vas travailler à la bibliothèque ?
— Les nouvelles vont vite.
— Oh oui, surtout au sanctuaire. Et elles arrivent vite aux oreilles du Grand Pope. Tu comptes faire quoi de ta journée ?
— Je pensais rentrer chez moi.
— Encore ? Tu t’y plais à ce point ?
— Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre.
— Alors viens avec moi.
— Où ça ?
— Tu verras. »
La demoiselle suivit le grand homme. Il n’allait quand même pas la présenter à Camus ? Non, pour quelle raison ferait-il cela ? Pourtant au fur et à mesure qu’elle marchait, son cœur s’accéléra. Elle craignait tout de même de revoir ce regard froid et envoûtant. Elle était persuadée que si elle le voyait, elle allait rougir d’office. Aussi, plus elle le verrait et moins elle aurait envie de partir du sanctuaire. Milo l’emmena au terrain d’entraînement, là où Camus formait un de ses élèves. Elle aperçut le Diamond Dust du chevalier du Verseau. Desideria fit un pas en arrière. Quelle puissance impressionnante. Ce n’était visiblement pas le moment de l’ennuyer. Son élève avait méchamment dégusté. Camus était bel homme mais Desideria ne vit aucune émotion sur son visage. Le regard de l’autre jour reflétait-il son véritable caractère ? Cela ne la rassurait pas du coup. « Ne t’inquiète pas, il a l’air rustre comme ça mais ce n’est qu’une façade » rassura Milo voyant qu’elle était déjà prête à fuir. Trop tard, le bel homme avait le regard sur elle, impossible de filer à l’anglaise. Le maître accorda un moment à son élève pour récupérer un peu et s’approcha de son ami. Desideria le salua timidement puis baissa les yeux. Le regard que Camus lançait à Milo était interrogateur.
« Je vais lui faire une petite visite du sanctuaire. Lui montrer les lieux où elle est autorisée à aller et ceux interdits. La p’tite comptait rentrer chez elle mais ce n’est pas ainsi qu’elle va se faire des relations. Au fait, c’est quoi ton nom ?
— Desideria.
— Le Grand Pope voudrait te voir Camus.
— Je termine d’abord l’entraînement du p’tit, ensuite je monterai.
Il se retourna et rejoignit son élève. Ce dernier avait apprécié de pouvoir souffler un peu. Le chevalier du Verseau était très exigeant envers ses apprentis.
— Il est toujours aussi froid ?
— Oui, c’est ce qui fait son p’tit caractère. Quand il a quelque chose à dire, il n’y va pas par quatre chemins. Bon, viens, je vais te faire visiter. »
Pendant que Milo servait de guide à la demoiselle, le Grand Pope s’était rendu à la prison du sanctuaire. Le ravisseur fut finalement retrouvé. Ce dernier cherchait désespérément à sortir de leur territoire mais il revenait sans cesse sur ses pas. Argol avait pu le repérer grâce à ses cris d’agacement. Le chefétait seul devant la cellule du misérable.
« Sortez-moi d’ici ! Je n’ai rien à faire là !
— En effet tu n’as rien à faire au sanctuaire. Tu poursuivais une femme, n’est-ce pas ?
— Elle est morte. Elle est tombée de la falaise.
— Pourquoi la poursuiviez-vous ?
— C’est une sorcière ! Elle voit les morts. Et je ne voulais pas attendre qu’elle les réveille pour agir.
Le Grand Pope fut intrigué par cette révélation.
— C'est une nécromancienne ?
— Oui ! Des rumeurs couraient à son sujet. Elle aurait vu des orbes chez elle. Mais je m’en suis chargé, cette sorcière ne fera de mal à personne.
Le chef s’éloigna de la cellule.
— Hey ! Vous allez me sortir de là ?! J’ai répondu à vos questions !
Il revint sur ses pas.
— Je ne peux pas te laisser partir.
— Quoi ?!
— Tu t’es aventuré sur mes terres. C’est un outrage que je ne peux pardonner.
— Quoi ?! Mais c’est… Vous n’avez pas le droit ! J’ai voulu repartir mais je n’ai pas pu ! Tout ça à cause de cette garce ! Qu’elle soit maudite dans le monde des morts !
— Silence ! Sinon je te libérerai d’une toute autre manière ! »
Le Grand Pope s’éloigna de nouveau, abandonnant le ravisseur à son sort. Finalement il avait bien fait de convoquer Camus. C’est un homme froid, il ne s’attachera pas aussi facilement à Desideria. Et la jeune femme semblait avoir un faible pour lui. Cela pouvait jouer à son avantage parce que la tuer l’ennuierait. Il était inutile d’interroger une nouvelle fois cette femme, elle ne dirait rien sur ses pouvoirs de nécromancie. Et encore, cela n’était qu’une hypothèse. Qu’est-ce qui prouve que le prisonnier ne lui avait pas menti pour dissimuler son propre vice ?