Arlès fut terrassé par les chevaliers de bronze et Saga se repentit face à Athéna. La bataille terminée, les corps furent enterrés au cimetière. Milo resta aux côtés de Desideria pendant les funérailles de Camus. Elle était très silencieuse, limite absente par moment. L’esprit lui tapotait parfois l’épaule pour la tirer de ses pensées obscures. Même Argol n’avait pas échappé à la mort. Le Scorpion la raccompagna dans la maison du Verseau. Elle était désormais la sienne, le temps qu’un autre chevalier prenne la place. Toutefois cela n’arrivera pas avant un bon moment. Plus tard il dut rejoindre les autres afin de réanimer l’âme des armures de bronze, un don de sang pour de futurs combats. En errant dans les escaliers du sanctuaire, elle tomba sur les chevaliers de bronze, Marine et Shaina. Elle fixa Hyôga pendant un long moment. Comment réagir ? Aussi bien d’un côté que de l’autre ? Il affrontait son regard accusateur. Inconscient à la fin de son duel, il ne se souvenait pas vraiment d’elle.
« Mademoiselle, est-ce que vous allez bien ? s'inquiéta Shun.
Elle tourna promptement sa tête vers lui. Cela avait un peu surpris le jeune homme aux cheveux verts.
— Laissez-moi passer, somma-t-elle. Je veux me rendre au jardin.
— Quel jardin ?
— Celui qu’il y a près du temple de Shaka. Écartez-vous !
On sentait une grosse colère dans sa voix. Les chevaliers s’éloignèrent un peu et la jeune femme s’en alla assez rapidement.
— Qui est cette fille ? demanda Seiya. Est-ce qu’on lui aurait fait du tort ?
— Oui, confirma Marine. Elle s’appelle Desideria et elle était devenue la compagne de Camus. Elle était aussi amie avec Misty et Astérion.
— Mon maître avait une petite-amie ? s’étonna Hyôga. Je n’en savais rien.
— Camus n’est pas la seule personne qu’elle a perdue, poursuivit Shaina. Desideria travaille à la bibliothèque. Son gérant est mort récemment lui aussi.
— Lysias est mort ? interrogea Marine.
— Oui, d'un arrêt cardiaque.
— La pauvre femme traverse une dure période, compatit Shun.
— Elle doit me haïr… vu comment elle m’a fixé.
— Ce regard s’adressait à vous tous, fit Shaina. Elle est en colère et profondément accablée. Laissez-lui un moment pour se remettre de ses émotions.
— Que va-t-elle faire au temple de Shaka ? questionna Shiryu.
— Pas au temple. Au jardin qui est juste à côté. Elle y va sûrement pour se calmer. »
Desideria marcha jusqu'à arriver devant la maison de la Vierge mais elle passa sur le côté. Elle ne savait pas si sa douleur s’apaiserait pourtant elle devait absolument trouver un endroit pour s’isoler. L’esprit l’accompagnait toujours. Elle aurait voulu que cet orbe soit Camus, toutefois elle savait pertinemment que ce n’était pas lui. Elle s’assit en dessous d’un arbre et y resta longtemps, les yeux clos. Elle songea énormément à son compagnon et à son assassin. Les pensées négatives fusaient sans arrêt, c’était une vraie tempête dans sa tête. Au point qu’elle en attrapait mal aux tempes. De la tristesse, mais aussi de la rage. L’esprit se posa à nouveau sur son épaule. « C’est bien, prends le temps de respirer doucement et régulièrement » fit-il. Progressivement les pensées noires s’estompèrent. Elle se concentra sur le chant des oiseaux. L'agitation laissa doucement place à une mer calme. La douleur prit de moins en moins d'ampleur. La jeune femme continua de respirer régulièrement, gardant sa concentration sur cette mélodie naturelle. Lorsqu’elle ouvrit enfin les yeux elle eut un mouvement de recul tant elle fut surprise. Elle ne l’avait pas entendu s'approcher. Cela faisait si longtemps qu’elle était postée là ?
« Oh ! je suis désolée. Je ne voulais pas vous déranger.
— Tu n’as pas à t’excuser, fit Shaka. C’est plutôt moi qui t’importune en pleine méditation.
Il s’installa à côté d’elle et regardant droit devant lui.
— J’ignore si on peut appeler ça de la méditation.
— Ça en avait l’air en tout cas. Te sens-tu mieux maintenant ?
— Pour l’instant mes émotions se sont calmées, mais je ne sais pas jusque quand.
— Lorsque la tempête reviendra, refais une séance pour la contrôler ou prendre du recul.
— Est-ce que c’est fini Shaka ?
— Fini ?
— Plus de batailles ?
— Je ne peux malheureusement pas te l’affirmer. Tu devrais penser à rentrer chez toi.
— Chez moi ?
— Tu avais bien une maison avant d’arriver au sanctuaire ? Une famille à qui tu dois certainement manquer ?
— Mais j’ai aussi une vie ici.
— Je pense que tu n’es pas arrivée au sanctuaire par hasard. Tu as sûrement dû jouer un rôle durant cette bataille, aussi minime soit-il. Quand on termine une mission, on rentre à la maison. N’as-tu pas envie de revoir tes parents ? En as-tu ?
— Oui, j’en ai. J’ai un frère et une sœur. Je l’avais oublié pourtant c’est vrai qu’ils me manquent aussi. Mais le corps de Camus repose ici. Et Lysias, Misty et Astérion… Argol.
— Ils seront toujours près de toi où que tu sois. Dans tes pensées et peut-être que parfois tu entendras leur voix te guider. (Il se leva.) Prends le temps d’y réfléchir Desideria. Nous allons évacuer les lieux. Seuls les chevaliers doivent rester.
— Je ne peux pas partir tout de suite.
— Très bien, pourtant peut-être qu’un jour tu n’auras plus d’autres choix. »
Shaka retourna dans son temple afin de laisser la demoiselle réfléchir tranquillement. Seulement elle ne se sentait pas prête à partir ; encore moins comme une voleuse. Elle ne se voyait pas non plus dire au revoir à tout le monde. Cela lui tiraillerait le cœur. Au final elle ne savait pas quoi entreprendre, partir ou séjourner ici ? Tant qu’elle avait ce doute il était certain qu’elle resterait. Il fallait laisser faire le temps, les événements étaient trop récents.
Plusieurs semaines plus tard, alors que Desideria lisait au temple du Verseau avec l’orbe à ses côtés, l’atmosphère changea soudainement. Il faisait nuit, certes, mais la jeune femme sentit quelque chose d’anormal. Milo lui avait dit de rester dans sa chambre et de ne surtout pas en bouger. Lui aussi pressentait quelque chose d’étrange. La demoiselle obéit au Scorpion. Incapable de se concentrer à nouveau sur son livre, elle tourna en rond dans cette petite pièce et de temps à autre elle regardait l’esprit. Il déambulait et elle ignorait s’il lui disait quelque chose ou pas. Soudain il se précipita vers l’extérieur. Surprise, Desideria se pressa contre la fenêtre. « Mais où vas-tu ?! » cria-t-elle. Pourquoi était-il parti ainsi ? La jeune femme tenait à le savoir. Pour la première fois sans réfléchir elle désobéit à un chevalier. Elle prit ses jambes à son cou et se hâta pour rejoindre l’orbe qui semblait être attiré par le cimetière. Elle ignorait qu'une rumeur circulait au sanctuaire, des spectres l'auraient envahi. La jeune femme courait si vite qu’elle manquait parfois de tomber. « Mais quelle mouche l’a piqué ?! Me faire ça à un moment pareil ! » pensa-t-elle. Elle traversa un à un les temples sans prendre de pause. Elle commençait à avoir un point de côté mais cela l’importait peu. Elle devait le retrouver. Néanmoins elle fut stoppée par Shaka.
« Il me semble que Milo t’avait demandé de rester au temple du Verseau, bien caché. Ce n’est pas très prudent de se promener au sanctuaire vu les circonstances.
— Mais Shaka, l’esprit a disparu.
— Quel esprit ?
— Depuis un moment il y a un orbe qui me suit et là il s’est envolé. Je l’ai vu se diriger vers le cimetière.
Le chevalier de la Vierge avait du mal à y croire. Pourtant cela ne paraissait pas si impossible.
— Tu dois te mettre à l’abri. Des spectres ont envahi les lieux. Je t’avais conseillé de partir mais tu as refusé. Par chance ils ne sont pas encore arrivés. Le sanctuaire est devenu beaucoup trop dangereux pour une simple mortelle. Retourne au temple du Verseau et surtout ne te montre pas. »
Desideria ne se fit pas prier. Elle rebroussa chemin et gravit les escaliers en vitesse ; bien que par moment elle ralentit sa course à cause de ses jambes en feu. Toutefois elle finit par y parvenir. Un dernier effort et elle sera à nouveau dans cette chambre qui lui semblait tellement vide. Elle s’allongea sur le lit pour reposer ses jambes. Elle ferma doucement les yeux et somnola. Toutefois elle fut subitement réveillée par une énorme explosion qui la fit sursauter. Cela venait du temple de Shaka. La jeune femme resta pétrifiée pendant quelques minutes. « Pourvu qu’il ne lui soit pas arrivé malheur » songea-t-elle avec effroi. Encore une fois elle devait patienter dans cette pièce sans avoir la moindre nouvelle des chevaliers. Quel supplice. Et elle ne savait toujours pas où était passé cet esprit si bienveillant. Le connaissant, il se serait collé à elle pour lui fournir une chaleur apaisante. « Où es-tu ? »
