Depuis le décès de Misty et Astérion, Desideria avait pris l’habitude de fleurir leur tombe. Le Grand Pope envoyait les chevaliers d’argent pour évincer les rebelles mais ils échouèrent les uns après les autres. Cela devenait une véritable hécatombe. Les récents événements ne manquaient pas de perturber la jeune femme. Camus avait tenté de la rassurer, Milo aussi néanmoins elle semblait sans cesse préoccupée. Et si c’était ce que le Grand Pope avait vu ? Les rebelles veulent venir au sanctuaire. Qu’arrivera-t-il lorsqu’ils seront à sa porte ? « J’espère qu’ils ne s’en prendront pas à Lysias, il n’a vraiment pas besoin de ça en ce moment » pensa-t-elle. D’ailleurs il fallait l’avertir du danger qui les menaçait. Elle se dépêcha de se rendre à la bibliothèque. De toute façon il fallait qu’elle aille travailler et elle était en retard par rapport à d’habitude. Ressasser ses angoisses n’était pas bon. Il avait déjà passé un examen du cœur et les résultats n’étaient pas très convaincants. Il fallait soigneusement surveiller l'état de santé du gérant.
Desideria arriva prestement à la bibliothèque. Elle chercha le vieil homme pour s’excuser de son retard. Bien qu’elle dormait dans les bras de Camus, son anxiété l’empêchait de se reposer convenablement. Le manque de sommeil freinait son réveil. Elle ouvrit la porte principale et entra. « Lysias ? Où êtes-vous ? » cria-t-elle. L’esprit tournoyait dans la pièce. Avec elle, il parcourut le couloir pour chercher après lui. Peut-être à l’étage ? Elle monta les escaliers suivie de près par l’esprit. « Je crains le pire » dit-il. Elle entra dans une salle et vit le corps du gérant étendu sur le sol. Avec effroi elle vit qu’il ne bougeait plus. Elle se précipita en hurlant son nom. « Lysias, vous m’entendez ?! Aucune réponse. En état d’alerte elle prit instinctivement son pouls. Elle ne le sentait pas. « Oh non ! » se dit-elle. Elle descendit les escaliers en trombe et se dirigea vers l’infirmerie. L’équipe médicale fut surprise.
« Mais que se passe-t-il ? demanda un médecin en la voyant en larmes.
— Lysias ! fit-elle en levant le bras vers la bibliothèque. Lysias a un problème ! Il est couché ! Il ne répond plus !
— Calmez-vous mademoiselle. Où est-il ?
— Dans la bibliothèque, au premier étage. J’ai vérifié son pouls mais je ne sens plus rien.
— Il faut qu’on se dépêche. Vite, un brancard ! Venez avec nous. (Le médecin accompagna la jeune femme tous les deux suivis par l’équipe médicale. Elle leur ouvrit la porte et montra le lieu du drame.) Ça fait combien de temps qu’il est comme ça ? demanda le médecin en vérifiant le pouls.
— Je ne sais pas. Il était déjà par terre à mon arrivée. Je suis en retard mais il devait sûrement être encore en vie récemment, à l’ouverture.
— Elle ouvre à quelle heure la bibliothèque ?
— À huit heures. »
Il était presque dix heures. L’équipe médicale survint avec le brancard et le défibrillateur. Le docteur demanda à Desideria de sortir. Elle se dirigea vers l’extérieur en entendant le médecin qui tentait de réanimer le gérant. Elle ne se sentait pas bien. Camus arriva à ce moment-là, il avait accordé une pause à ses élèves. Une soignante sortit de la bibliothèque et lui conseilla d’aller faire un tour le temps qu’ils s’occupent de Lysias. « Nous allons emmener votre ami à l’infirmerie, informa-t-elle. Passez tout à l’heure pour avoir de ses nouvelles. En attendant, promenez-vous un peu et essayez de penser à autre chose. » Sans plus de discours, la soignante retourna auprès de l’équipe médicale.
« Que se passe-t-il ?
— Je suis arrivée en retard ce matin, expliqua-t-elle les yeux larmoyants. J’ai retrouvé Lysias par terre, il ne bougeait plus.
Il la serra contre lui.
— Desi’ ce n’est pas ta faute.
— Si j’avais été là ça ne serait pas arrivé.
— Tu n’en sais rien. Tu es fatiguée. Ça fait plusieurs jours que tu ne dors plus. Viens, rester là ne sert à rien pour le moment. »
Desideria suivit Camus jusqu’au stade. Il lui proposa de regarder l’entraînement. Cela lui changerait les idées. Mais elle resta concentrée sur Lysias et garda une boule au ventre. Pendant ce temps le Grand Pope avait reçu un courrier de la part de Saori Kido. Celle-ci le prévenait de sa venue au sanctuaire. « Eh bien dans ce cas nous allons l’accueillir comme il se doit. Je vais donner des directives aux chevaliers d’argents » pensa le chef. En fin de matinée Desideria retourna à l’infirmerie pour avoir des nouvelles de son collègue. Camus l’avait accompagné afin qu’elle ne soit pas seule à surmonter cette épreuve. La secrétaire appela le médecin et ce dernier leur annonça non sans regret que Lysias était décédé. Malheureusement il n’avait rien pu faire pour le réanimer, il était déjà mort avant qu’elle n’arrive. Le médecin présenta ses condoléances puis il prit congé. La jeune femme fut très attristée par cette nouvelle. Mais bizarrement elle n’eut aucune larme. Elle en avait déjà trop versé lors de la disparition de Misty et Astérion. Le chevalier la ramena chez eux. Pour le moment il valait mieux éviter la bibliothèque. Assise sur le lit, elle ne put s’empêcher de penser qu'elle était entièrement responsable la mort de Lysias.
« Non ce n’est pas ta faute.
— Je devais veiller sur lui ! Je suis arrivée en retard ! Comment peux-tu dire que je ne suis pas fautive ?!
— Lysias a refusé de se soigner ! Il est en grande partie responsable ! Tu as fait ce que tu as pu pour lui. (Il s’assit à côté d’elle et lui frotta le dos.) Je suis désolé qu’il soit parti comme ça, mais un arrêt cardiaque peut être imprévisible. Il a été pris en charge trop tard. Et si tu n’avais pas été là à travailler avec lui, il serait peut-être parti plus tôt que ça. Cesse de t’en vouloir, ça ne le fera pas revenir. Lysias ne voudrait pas te voir dans cet état.
— Et pourtant je me sens coupable.
— Tu es fatiguée. Tu devrais rester ici et te reposer. Ou peut-être veux-tu venir voir les entraînements ? Je ne suis pas le seul enseignant ici, je peux te tenir compagnie dans les gradins si tu veux.
— Il est parti rejoindre Nypha.
Camus voyait bien qu'elle ressassait encore et encore. En effet Lysias et sa femme étaient désormais réunis.
— Ils sont ensemble maintenant. Viens on va aller se promener, ça te changera les idées.
— Je n’arriverai pas à enlever ça de ma tête Camus, même si tu fais tout ton possible, ça ne marchera pas.
— On peut toujours essayer. Tu ne vas pas rester là à ruminer tout ça, c’est très mauvais.
— Oui je sais. »
Desideria savait que Camus avait raison néanmoins difficile de ne pas y penser. Il ne le côtoyait pas comme elle. Le chevalier la serra contre lui. Quelle sensation étrange. Depuis un certain temps il était devenu plus chaleureux avec elle. Elle resta ainsi pendant un moment, les yeux fermés et tentant de se vider la tête. Quelques jours plus tard, les rebelles arrivèrent au sanctuaire. Après une brève visite au temple de la Balance, le Verseau resta dans son temple selon les ordres du Grand Pope.
« Qui sont ces rebelles ? Pourquoi nous attaquent-ils Camus ? Qu’est-ce qu’on leur a fait ?
— Pas nous spécialement. Ce sont les chevaliers de bronze. Ils en ont après le Grand Pope.
— Pourquoi ça ?
— Il est mouillé dans des affaires pas très nettes.
La jeune femme fut assez surprise.
— Pourquoi ne pas le dénoncer dans ce cas ?
— À qui veux-tu qu’on le dénonce ? Il a le plus haut rang au sanctuaire.
— Et la déesse Athéna ? Elle lui est bien supérieure en terme de rang, non ?
— Athéna n’est pas là.
— Quoi ?!
— Elle a disparu il y a treize ans.
Desideria eut du mal à réaliser ce qu’il lui disait. Elle a toujours cru que la déesse résidait dans son temple. Enfin c’était ce qu’on lui avait raconté. Cela expliquait pourquoi elle ne la voyait jamais.
— Alors si Athéna n’est plus là, nous sommes vraiment perdus ?
— Non. Elle est là avec les rebelles.
— Je n’y comprends plus rien Camus.
— Pour résumer Aiolos l’a sauvé il y a treize ans. Afin d'assurer sa sécurité, il a dû demander à un voyageur de prendre soin d’elle avant de mourir.
— De qui voulait-il la protéger ?
— On soupçonne le Grand pope mais nous n’avons aucune preuve. Nous ne savons pas qui il est. Et tenter la moindre chose contre lui aurait fait de nous des traîtres. Nous aurions subi le même sort qu’Aiolos. Certains ont une confiance aveugle en lui, le « représentant d’Athéna ».
Un frisson lui parcourut tout le corps. Alors en fait elle était en présence d’un assassin ? Et il voulait passer ses nuits avec elle. Il l'avait même embrassé. Desideria s’assit sur le lit.
— Qu’est-ce qui va arriver maintenant ?
— Il y a des choses qui doivent être faites pour le bien de tous. Toi, en l’occurrence, tu devras rester dans cette chambre.
— Et toi ?
— Moi ? Je ferai mon devoir de chevalier.
Elle se sentit blêmir. Elle comprenait bien que Camus avait l’intention de se battre.
— Je passe d’un souci à l’autre. Vous avez tous reçu l’ordre de rester dans vos temples. Pourquoi ?
— Nous devons défendre chaque maison. Les chevaliers n’arriveront pas avant quelques heures. Pour l’instant nous pouvons décompresser.
Il lui prit la main et la lui caressa.
— Je n’aime pas ça du tout.
— Détends-toi, lui fit-il en lui embrassant le cou.
— Comment veux-tu que je me détende alors que les rebelles sont à nos portes ?
— Ne les appelle pas ainsi. Ils font leur devoir, comme moi. (Il lui bisa les joues, le cou tout en l’allongeant.) Je vais t’aider à te relaxer. »
Le chevalier l’embrassa langoureusement. C’était la première fois qu’il le faisait. Il devenait tendre avec elle mais progressivement. Il avait enlevé son armure pour être plus à l’aise pendant qu’il lui massait le dos et les épaules. Desideria ferma les yeux et savoura l’attention que Camus lui offrait. Décontractée, elle finit par lui rendre la pareille. Après tout, elle pouvait bien participer un peu. Le chevalier aussi apprécia d'être dorloté. Les choses s’étaient encore accélérées et cette fois le Grand Pope n’y pouvait rien ; du moins pas directement. Dommage que la bataille survient au meilleur moment de sa vie.