Desideria continua son chemin vers la bibliothèque. Ce sera l’occasion de dire bonjour à Lysias. Pendant ce temps le Grand Pope avait remis son masque depuis longtemps. Assis sur son siège, il attendait le retour de Desideria. En larmes ? Il y a de fortes chances si Camus lui dit la vérité. Il avait toujours été un homme très froid et Arlès pensait qu’il était impossible qu’il puisse l’aimer. Il ne les imaginait même pas ensemble. Lui, l’homme au cœur de glace et elle, cette chaleur douce au côté fleur bleue. Le Grand Pope sortait plus souvent depuis l’arrivée de la jeune femme. Il avait pu la voir si serviable envers les autres, c’était une gentille demoiselle à protéger. Elle reviendra. Camus est très à cheval sur ses principes. C’est également un homme d’honneur. Arlès le voyait mal mentir à Desideria pour son propre intérêt.
« Tu es vraiment sûr qu’on la reverra ? questionna Saga.
— Bien sûr, c’est évident.
— Pourquoi lui faire ça ?
— Tu en es amoureux, n’est-ce pas ? Il est donc normal de tenter de la séduire.
— Il y a des moyens plus honorables que ça.
— « Plus honorables » ? Veux-tu que je te rappelle tes actes d'il y a treize ans ? Ceux qui t’ont fait devenir Arlès ? D'ailleurs, nous sommes proches du but. Il y a juste à écarter cette prétentieuse de Saori et ses chevaliers de bronze et l’affaire est dans le sac. Mais il faut penser à la suite. Que feras-tu une fois le pouvoir en main ? Tu ne vas pas rester toutes tes nuits seuls comme un con ? Il te faut une charmante compagnie.
— Il y a les concubines, cela ne te suffit pas ?
— Oui les concubines. C’est qu’elles m’ennuient avec leurs manières exagérées. Elles manquent de franchise, de sincérité.
— Évidemment, tu fais peur aux femmes en te cachant derrière ce masque et en faisant durer le suspense dès que tu en as l’occasion.
— Desideria a une peau très douce, de jolis yeux. J’aimerais l’approcher plus, qu’elle me voit autrement que le Grand Pope, qu’on soit plus intime tous les deux.
— Je doute que ce soit gagné d’avance.
— Pourquoi ?
— Camus ne te laissera pas l’approcher. Tu as bien vu sa colère l’autre fois quand tu as invité Desi’ à vivre au palais.
— Oui. Dommage que je ne puisse pas m’en débarrasser maintenant. Les chevaliers de bronze pourraient s’attaquer au sanctuaire et j’ai besoin de tous les hommes pour leur barrer la route. Il faut absolument qu’on récupère l’armure d’or du Sagittaire ! Elle appartient au sanctuaire !
— Je suis d’accord là-dessus. En revanche si tu fais tuer Camus pour avoir sa petite copine, elle risque de t’en vouloir jusqu’à sa mort.
— Attendons qu’elle revienne. Elle ne pourra résister à ma volonté si je contrôle son esprit.
— Je doute fort qu’on la revoit. Et si tu comptes utiliser le Genr? ma?-ken sur elle, j’aime autant qu’elle reste auprès de Camus.
— Tu la veux dans ton lit, oui ou non ?! Je sais que ton cœur brûle quand tu la croises à l’extérieur. Il s’enflamme bien plus qu’en présence des concubines. Nous sommes las de voir ces femmes insipides, sans caractère. Nous avons le même cœur, le même corps et je sais que Desideria t’excite. J’ai aimé son regard quand elle a vu notre visage. Je suis persuadé qu’elle l’a trouvé beau. Sans doute restera-t-il gravé dans sa mémoire. Par n’importe quel moyen la petite Desi’ sera à nous, je te le promets. Imagine-la sous les draps, à côté de toi ou même endormie dans tes bras. Quel doux rêve. Elle sera une femme parfaite pour nous.
— C’est un très beau rêve en effet mais tu t’avances bien trop vite à mon goût. Reste sur tes gardes. Camus doute de toi et il n’est pas le seul au sanctuaire. (Il y eut un blanc.) Tu m’écoutes ?
- Cela fait un long moment qu’elle est partie et elle ne revient pas. Pourquoi elle ne revient pas ? Lui aurait-il menti ?! »
Le Grand Pope se leva et sortit du palais. Il fallait qu’il la trouve et qu’elle subisse son influence. Il n’y avait pas que cette histoire de cœur. Comme l’avait dit Saga, certains doutaient de lui. Et la présence de Desideria au Star Hill ne lui disait rien qui vaille. Pourquoi être allée là-bas ? Quelqu’un avait dû la guider ou lui demander de s'y rendre mais qui ? Qui ?! La seule personne qui aurait un intérêt dans tout cela est morte. C’est impossible, à moins que ? Elle voit réellement les défunts ?! Il n’y croyait pas vraiment et pensait plus à des cauchemars d’enfants. Toutefois ce point de vue était à reconsidérer. Desideria représentait vraiment un danger pour le Grand Pope, tout comme il le pressentait au début. Il s’était laissé guidé par ses sentiments envers elle. Quelle erreur ! « Si tu veux la protéger, Saga, le Genr? ma?-ken est la seule issue pour elle » se dit-il.
Milo remarqua que Desideria était sortie de la bibliothèque. Lysias disait qu’il se portait bien mais ses problèmes de cœur préoccupaient la jeune femme. Peut-être qu’elle devrait basculer sur un temps plein. Elle l’avait proposé au gérant mais celui-ci refusa. Il voulait qu’elle garde du temps libre pour elle. Soudain elle vit à nouveau cette boule fantôme.
« Ah te voilà toi. Mais où étais-tu passé ? J’aurais bien eu besoin de toi tout à l’heure !
— Je suis désolé Desideria, fit l’esprit en gesticulant. Tu croyais que cet oiseau ne me voyait pas, pourtant il n’a pas cessé de m’épier. Enfin il a fini par se lasser en comprenant qu’il ne pouvait pas me manger. Sans doute m’avait-il confondu avec un insecte volant. Argol ne t’as pas fait de mal j’espère.
— Je ne comprends toujours pas ce que tu dis, en supposant que tu parles en silence.
Une femme portant une armure d’argent s’avança derrière elle, surprise par la « folie » de la petite brune.
— À qui parles-tu ? demanda Marine.
— Hein ? (Elle se retourna.) Ah euh personne, je réfléchissais à voix haute, expliqua-t-elle, gênée. (Soudain l’esprit se mit à tournoyer autour du chevalier et pointa son diadème. Cela ne manqua pas de retenir l’attention de Desideria.) Excusez-moi, j’ai oublié votre nom.
— Je suis Marine, de l’aigle.
— De l’aigle ? Oh l’aigle !
— Est-ce que tu vas bien ?
La jeune femme se rapprocha du chevalier, comme pour lui faire une confidence.
— Je ne sais pas si je fais bien de vous dire ça mais… Il doit y avoir quelque chose d’anormal au Star Hill.
— D’anormal ? C’est-à-dire ? Comment le sais-tu ?
— Je ne saurais vous donner plus de précisions, seulement je pressens quelque chose de bizarre là-bas. Je n’ai pas eu l’audace de grimper ce mont. Peut-être que vous en seriez plus capable que moi.
— Très bien, j’irai voir dès que possible.
— Voir quoi ? questionna Misty.
Les deux femmes furent surprises par cette apparition soudaine.
— Desideria me parlait des rebelles.
— Oh oui, d’ailleurs je suis navré Desi’ mais nous allons devoir y aller.
— Ah ? Partir où ?
— Le Grand Pope nous envoie en mission. Je suis venu te dire au revoir avant de m'en aller.
— Nous partons à deux ?
— Non, il y a toi, moi, Astérion, Babel et Moses.
— Oh ? Astérion s’en va aussi ?
— Oui, peut-être qu'il viendra te dire au revoir, je ne sais pas. S'il te plaît, laisse-moi te faire un petit bisou avant de partir. J’espère qu’on se reverra bien vite. »
Il embrassa tendrement mais respectueusement la joue de Desideria avant d’ordonner à Marine de le suivre. Le chevalier de l’aigle fut surpris par une telle familiarité venant du Lézard. La jeune femme les regarda s’éloigner. C’était la première fois qu’il lui embrassait la joue ainsi. Bizarrement, la jeune femme le ressentait comme un adieu. Sans doute se faisait-elle des idées. Elle se tourna vers les hauts escaliers, elle vit une silhouette qui progressait rapidement vers elle. « Oh non ! Pas lui ! » se dit-elle. Étant près de la sortie du sanctuaire, il n’y avait pas vraiment d’endroit où se cacher. Elle s’éloigna vivement et tenta de se réfugier derrière des rochers. Son cœur battait la chamade ; elle espérait qu’il ne l’avait pas vu. Seulement était-ce une bonne cachette ? Le Grand Pope ne se laisserait pas berné aussi facilement. Il fallait en trouver une autre mais trop tard pour y songer peut-être ? À quelle distance était-il maintenant ? Elle recula encore un peu puis elle sentit une masse derrière elle. La jeune femme s’éloigna mais il lui attrapa la main.
« Je t’ai attendu Desideria.
— Vous m’avez menti ! fit-elle les sourcils froncés.
Cette affirmation retint l’attention d’un scorpion qui passait par là non par hasard. Il resta à l’écart afin d’écouter la conversation.
— Je t’assure que non. Camus m’a bien dit qu’il ne voulait pas de toi.
— « Chez lui ». Il a précisé « chez lui » pour des raisons de sécurité !
— Évidemment, c’est plus facile de se décharger et de me faire passer pour l’ingrat. (Il lui prit la main et la lui caressa avec son pouce.) Je ne t’en veux pas. Je dois admettre que Camus s’y connait bien pour charmer les femmes. Mais je doute sur ses sentiments envers toi. J’imagine qu’il t’a embobinée avec de jolis mots. Il a l’art et la manière d'endormir son public, un très bon orateur. Il te fera énormément souffrir, je l’ai vu.
— Quoi ? Comment ça « vous l’avez vu » ?
— Les Grands Popes vont au Star Hill pour prédire l’avenir. J’y suis allé récemment pour connaître le tien. Effectivement tu vas vivre quelque chose de fabuleux avec Camus. Malheureusement j’ai vu également une séparation.
— Mais comment ça ? Qu’est-ce qui va se passer ?
— Je n’ai pas plus de détails. Tout ce que je peux te dire c’est que je t’ai vu en larmes. J’aimerais vraiment éviter ça. Viens avec moi et tu n’auras pas à subir une telle souffrance.
Elle hocha la tête.
— Non. Non, je ne veux pas. Qu’est-ce qui m’oblige à vous croire ? Vous essayez de me manipuler mais ça ne marchera pas !
— Tu n’auras pas d’autre choix que de me croire Desideria, fit le Grand Pope en haussant le ton.
Il tendit son bras et s’apprêta à lui lancer son Genr? ma?-ken. Mais le Scorpion sortit aussitôt de sa cachette. Le chef n’eut pas le temps de prononcer l’incantation.
— Grand Pope ! Ce n’est pas très digne d’un chef de contraindre une dame.
— Milo ? Que fais-tu là ?
— Comme vous le voyez je vadrouille, je surveille les environs, tels sont vos ordres. Desideria n’est pas une ennemie, laissez-la tranquille.
— Je n’avais pas l’intention de lui faire de mal, bien au contraire. Je l’apprécie beaucoup. Les gens d’une telle sincérité sont rares. Je tenais simplement à l’avertir d’un danger potentiel. (Il se tourna vers elle.) J’aurais tenté d’épargner ton cœur mais tu choisis de le malmener. Quelle folie. Tu ne pourras pas dire que je ne t’avais pas prévenu. Seulement tes pleurs seront inévitables. Quoi qu’il advienne, tu trouveras toujours du réconfort dans mon palais, tu y seras la bienvenue.
Puis le Grand Pope s’éloigna pour retourner à son temple. Milo s’approcha de la jeune femme et lui demanda si elle allait bien. Elle répondit par l’affirmative même si cet instant étrange l’avait un peu déboussolée.
— Je suppose que vous avez entendu notre conversation.
— En quelque sorte oui.
— Et vous en pensez quoi ?
— Si tu n’as pas confiance en Camus alors peut-être que vous n’êtes pas fait pour être ensemble. Et toi qu’en penses-tu ? Crois-tu vraiment que Camus ne t’aime pas ?
— Si. Il y a quelque chose entre nous et je veux le vivre à ses côtés. Est-ce que ça vous dérange si je reste avec vous ? Je ne veux plus que le Grand Pope m'approche. Il me met vraiment mal à l’aise.
— Bien sûr. Viens on va rejoindre Camus.
Desideria suivit Milo, ce dernier fut ravi de voir qu'elle avait refusé les avances du chef. Beaucoup de femmes se seraient laissé influencer principalement à cause de son rang. Finalement Camus pouvait lui faire confiance.